La solitude temporaire du petit canard

L'hiver est arrivé, précoce, par un petit matin solitaire où mon lit s'est vidé du poids des malentendus. L'hiver a peut-être commencé son minutieux travail de rembourrage de mon plumage protecteur. L'hiver est là, sans que je sois triste. Mon amour est parti pendant quelques semaines pour les froids rivages de la Baltique. Mon amour a filé, par une nuit glacée où je ne l'attendais plus. Mon amour semble diffus, comme un soleil de fin novembre. Heureux je suis, qui n'ai préféré les tourments de la passion au vide de l'ennui, ni le vide de l'ennui aux tourments de la passion. Heureux je suis, qui aime sans passion, c'est-à-dire sans souffrance. Heureux je suis, dont la porte lui est ouverte, comme à l'infini des possibles que nous souhaitons réinventer à chacune de nos rencontres. (Canard solitaire, ce matin, dans le parc André Citroën, Paris 15e)