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Le journal d'Herminien
27 juillet 2006

L'orage

Au fur et à mesure, les éclairs se rapprochèrent. Un embarras de nuages lourds, rougeoyants, virant du gris foncé au brun, prit place dans un ciel obscurci plus vite que par le simple coucher du soleil. Partout, les fenêtres des appartements s’ouvrirent. Leurs occupants penchèrent la tête en dehors, les yeux levés vers le ciel, et se tinrent accoudés aux balustrades des balcons ; chacun fit signe à l’autre qu’il attendait la pluie comme une heureuse nouvelle, un don de Dieu. Ici, un jeune père montrant à son fils le tracé brisé de la foudre s’abattant toute proche et comptant la distance séparant l’éclair du tonnerre, là quelques rares compagnes en bikini à côté de leur homme ; nombreux, des torses nus masculins au-dessus de caleçons légers, invitations aux fantasmes estivaux les plus fous. 20060727_40599802244c90fc27b191 Par ces temps électriques, où les corps tourmentés se font désirables, se laissent désirer et semblent vouloir s’abandonner, je n’ai pu m’empêcher de penser à ces quelques vers de Brassens : « Parlez-moi de la pluie et non pas du beau temps, Le beau temps me dégoûte et me fait grincer les dents, Le bel azur me met en rage Car le plus grand amour qui me fut donné sur terre, Je l'dois au mauvais temps, je l'dois à Jupiter, Il me tomba d'un ciel d'orage. Par un soir de novembre, à cheval sur les toits, Un vrai tonnerre de Brest, avec des cris d'putois, Allumait ses feux d'artifice. Bondissant de sa couche en costume de nuit, Ma voisine affolée vint cogner à mon huis En réclamant mes bons offices. « Je suis seule et j'ai peur, ouvrez-moi, par pitié, Mon époux vient d'partir faire son dur métier, Pauvre malheureux mercenaire, Contraint d'coucher dehors quand il fait mauvais temps, Pour la bonne raison qu'il est représentant D'une maison de paratonnerres ». En bénissant le nom de Benjamin Franklin, Je l'ai mise en lieu sûr entre mes bras câlins, Et puis l'amour a fait le reste, Toi qui sèmes des paratonnerres à foison, Que n'en as-tu planté sur ta propre maison, Erreur on ne peut plus funeste. Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs, La belle, ayant enfin conjuré sa frayeur Et recouvré tout son courage, Rentra dans ses foyers faire sécher son mari, En m'donnant rendez-vous les jours d'intempérie, Rendez-vous au prochain orage. À partir de ce jour, j'n'ai plus baissé les yeux, J'ai consacré mon temps à contempler les cieux, À regarder passer les nues, À guetter les stratus, à lorgner les nimbus, À faire les yeux doux aux moindres cumulus, Mais elle n'est pas revenue. Son bonhomme de mari avait tant fait d'affaires, Tant vendu ce soir-là de petits bouts de fer, Qu'il était devenu millionnaire Et l'avait emmenée vers des cieux toujours bleus, Des pays imbéciles où jamais il ne pleut, Où l'on ne sait rien du tonnerre. Dieu fasse que ma complainte aille, tambour battant, Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps, Auxquels on a tenu tête ensemble, Lui conter qu'un certain coup de foudre assassin Dans le mille de mon cœur a laissé le dessin D'une petite fleur qui lui ressemble. »
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