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Le journal d'Herminien
19 septembre 2007

Sarkozy, les refondations et les Renaissances

J'ai (enfin) reçu aujourd'hui, soit deux semaines après qu'elle fut publiée, la Lettre aux éducateurs écrite par Henri Guaino et signée par le président Nicolas Sarkozy, que celui-ci a fait envoyer à tous les enseignants de France et de Navarre. Ceux qui, comme moi, ont aussi l'habitude de consulter leur boîte à lettres électronique domiciliée à l'Éducation nationale, ont reçu le 12 septembre un message (daté du 10 septembre) contenant un lien vers cette lettre. Il y a le temps de la communication politique à l'adresse des citoyens électeurs via les médias, et celui de l'acheminement à ceux qui sont sensés être les destinataires premiers de la pensée présidentielle. Peut-être aurai-je le courage de lire ce pensum de 30 pages si j'ai du temps à perdre. Je me suis permis, toutefois, de regarder une partie de la conclusion. Il y est écrit : "le monde a besoin d'une nouvelle Renaissance, qui n'adviendra que grâce à l'éducation". Inévitablement, ce mot fort, Renaissance, que tout historien ou tout amateur d'art connaît, a résonné dans ma tête et m'a fait penser à la précédente utilisation que Henri Guaino/Nicolas Sarkozy en avait faite. C'était le 26 juillet à Dakar, devant un parterre choisi d'universitaires et d'étudiants : "Cette Renaissance, je suis venu vous la proposer. Je suis venu vous la proposer pour que nous l'accomplissions ensemble parce que de la Renaissance de l'Afrique dépend pour une large part la Renaissance de l'Europe et la Renaissance du monde.". Je me dis qu'un jour, il faudra bien que quelqu'un analyse de façon détaillée les ressorts de la sémantique guaino-sarkozienne : la thématique de la Renaissance, dont on sait qu'elle s'oppose souvent, en histoire, à celle des "Temps obscurs" qui l'auraient précédée. Revenons donc à notre Lettre aux éducateurs. Deux phrases plus loin, il est écrit : "Le temps de la refondation est venu. C'est à cette refondation que je vous invite". Or, au moment où j'ai commencé à rédiger ces lignes, j'ai entendu un extrait du discours prononcé aujourd'hui par le président Sarkozy sur la fonction publique, dans le quel il disait qu'il fallait "refonder l'État, refonder le service public, refonder la fonction publique". Décidemment, il est des mots lourds, des mots chargés, que l'homme aime à marteler. Ce dernier est un néologisme, qu'on ne trouve ni dans le Trésor informatisé de la langue française, ni dans le dictionnaire Le Robert, par exemple. Et pourtant, Dieu sait s'il est utilisé par les hommes publics contemporains ! Combien de refondations syndicales a-t-on vu s'annoncer, combien de refondations politiques aussi (Refondation communiste, refondations socialistes par les quarantenaires d'hier [François Hollande en fut] ou d'aujourd'hui, refondation de la gauche, etc...) ; et le MEDEF lui-même souhaite impulser une "refondation sociale". Mot galvaudé, la refondation est le vocable par lequel on cherche à faire croire que ce que l'on veut initier sera nécessairement neuf mais durable, nécessairement meilleur que l'ancien qui se fissure ou qui s'écroule, un socle sur lequel une ambition marquera à jamais l'histoire. On remarquera aussi que ce mot a remplacé celui de "rénovation" dans les discours : il y a quelque chose de superficiel, quelque chose qui ne semble pas devoir tenir le coup, désormais, dans le mot "rénovation", alors que la "refondation" rassure ; elle est un commencement qui se réfère au passé mais qui (in)augure l'avenir. En attendant les jours nouveaux et rayonnants qui s'annoncent, j'irai me réfugier dans mes amours et mes livres, mes petits bonheurs quotidiens et mes petits ennuis, abris fragiles et sans gloire, certes, mais si proches et si miens.
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