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Le journal d'Herminien
16 octobre 2008

Crise financière et crise alimentaire

Joie sur les visages des traders lundi et mardi matin : l'injection de centaines de milliards d'euros par les États afin de soutenir les banques et faciliter les prêts interbancaires, indispensables à la trésorerie des entreprises et à leurs investissements de plus long terme, semble redonner « confiance aux marchés », comme le dit la presse. Car les journalistes parlent des marchés boursiers comme de personnes neutres et rationnelles, mais pas comme des lieux de rencontre entre des opérateurs, des donneurs d'ordre mus par des perspectives de gigantesques profits, souvent immédiats. Les cours des titres cotés battent des records de hausse. Certains ont même écrit : « Merci Monsieur le Président, vous avez bien bossé ! », ceux-là mêmes qui, quelques jours plus tôt, avouaient « Au début de la crise, j'arrivais à comprendre les tenants et aboutissants. Mais là je n'y comprends plus rien ! ». Mercredi et jeudi, c'est l'inverse : la valeur des titres s'effondre, les bourses de New York et de Tôkyô battent des records à la baisse : la récession est bel et bien là. Je voudrais simplement faire comprendre à ceux qui ne comprennent rien qu'en quatre jours de hausses et de baisses records, des centaines de milliards de dollars de titres auront été échangés, permettant aux spéculateurs d'effectuer de juteuses opérations financières. Aujourd'hui, c'est la Journée mondiale de l'alimentation. Quel rapport, me direz-vous ? Lisez l'article suivant. « Pour endiguer la plus grave crise financière depuis celle de 1929, la planète jongle avec des centaines de milliards de dollars. Les États s'endettent, les banques respirent et les Bourses se redressent. À la hauteur d'une tempête qui invite à s'interroger sur les fondements mêmes de nos systèmes économiques, de telles sommes donnent le vertige. Pour éradiquer la sous-alimentation qui touche 923 millions d'humains, il suffirait, selon les calculs des ONG, de 30 milliards de dollars par an. Moins de 5 % du seul plan Paulson ! Une misère. En pleine crise financière, la Journée mondiale de l'alimentation, jeudi 16 octobre, sonne comme un signal d'alarme. Selon le bilan de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), l'envolée des prix agricoles et du pétrole a provoqué, en 2008, une augmentation de 75 millions du nombre de personnes qui souffrent de la faim. En dépit d'une hausse de la production mondiale de céréales, les marchés agricoles restent tendus, et les experts s'attendent à une succession de crises alimentaires. Alors qu'un enfant de moins de 10 ans meurt de la faim ou de ses conséquences toutes les cinq minutes dans le monde, l'association Action contre la faim relève qu'elle a "beaucoup de mal à mobiliser les énergies et les fonds". Cela ne fait que souligner le contraste avec l'apparente facilité avec laquelle des fonds ont été trouvés pour sauver les banques. Le traitement d'un enfant malnutri coûte environ 60 dollars par an. Mais les moyens mondiaux mis en œuvre ne permettent de traiter que 5 % de la malnutrition sévère. A environ 2 400 kilomètres de Wall Street, Haïti, un des pays les plus pauvres de la planète, résume ces misères du monde. En avril, il a connu de violentes émeutes de la faim. Entre le 15 août et le 15 septembre, il a été dévasté par deux cyclones et deux tempêtes tropicales qui ont fait près de 800 morts et ont accentué la pénurie alimentaire. Mais, en Haïti comme ailleurs, loin des marchés, on meurt en silence. La mobilisation internationale ne dure guère au-delà du temps médiatique des catastrophes. Avec la crise financière, la diaspora haïtienne a réduit ses envois de fonds. Il faudra bien pourtant que, après ses faillites financières, le monde s'attaque à ses faillites morales. » Editorial du Monde du 16 octobre 2008
Emeutes_de_la_faim
Je rajouterai ceci. Dans l'envolée des prix agricoles de l'an dernier, la part de la croissance de la demande des pays émergents, alors que l'offre baissait (épuisement des stocks, diminution des récoltes de pays exportateurs en raison de problèmes climatiques, destination de certaines productions pour la fabrication de biocarburants plutôt que pour nourrir les personnes, etc.) est une explication majeure. Mais la spéculation s'était aussi tournée sur les produits alimentaires, dans les marchés à terme, comme elle s'était tournée sur les matières premières. Rien n'échappe à la rapacité de ceux qui profitent d'un système, celui d'un capitalisme financier aux marchés dérégulés. On sait, cependant, que la réglementation de la spéculation, même si elle est indispensable, ne saurait seule suffire à enrayer les variations erratiques des cours des produits agricoles et alimentaires, à la merci de celles des récoltes. Des actions en profondeur pour développer les agricultures des pays aux populations pauvres et une transformation des habitudes alimentaires et des façons culturales dans les pays industrialisés sont les solutions les plus certaines. On le sait depuis fort longtemps. Mais, là, se rendra-t-on enfin compte qu'il y a urgence ? Urgence pour un véritable développement durable à l'échelle du monde entier !
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