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Le journal d'Herminien
28 août 2005

A* (II)

Nous avions programmé la troisième fois. Nous avions décidé qu’auparavant, une séance de cinéma nous aurait fait du bien. Mais nos téléphonages furent vains. Nous échangeâmes par messages sur répondeurs interposés, fixèrent un rendez-vous. Je n’y fus pas, car mon ordinateur me lâcha et, de ce fait, tout le travail de juillet fut effacé. A* n’y fut pas non plus. Il déménageait les dernières affaires de son amie, la rupture ayant été consommée deux semaines plus tôt. Ils partagèrent la vaisselle et les draps, les objets décoratifs et les étagères de bibliothèque. A* ne répondit pas à mon dernier message. La troisième fois ne se produisit pas, pas ce soir-là.

Dans le train qui me conduisait à Amsterdam, j’écrivis un SMS qui resta sans réponse. Je n'eus des nouvelles de A* que quelques jours plus tard. Une conversation laconique qui me laissa une étrange impression de malaise. Ce fut alors que je sentis la brûlure de l’absence. Je n’osai pas rappeler A*, pas tout de suite après mon retour. Pourquoi se précipiter ? Contenir le désir, espacer le temps des rencontres, ralentir le rythme des mouvements du cœur, pour vivre une course de fond. Et puis, ne serait-ce pas, tout simplement, une aventure, comme il en existe tant ? En fait, j’appelai A* dès le lendemain. Je sentis que A* n’était pas au mieux, qu’il aurait sans doute souhaité — mais il ne le dit pas — que nous nous voyions, ce soir-là. Je n’osai pas devancer ce désir. Nous prîmes rendez-vous pour le surlendemain.

Ce soir-là, donc, après avoir travaillé, je sortis. Seul. Et rencontra A*, par hasard. Lumière dans le regard de A*. "C'est une chance de te voir", me dit-il, en m'embrassant. Nous nous retrouvâmes comme si nous nous étions perdus, attendus. Nous soupâmes très tard, une nouvelle fois, au même endroit qu'auparavant, comme si nous voulions installer un rituel. Mais les choses furent différentes, évidemment. Les regards exprimèrent des besoins d’apaisement de douleurs passées, de douleurs enfouies, plus que les paroles, qui furent retenues. Nous partageâmes les plats, le pain et le vin. Ce fut notre deuxième cène.

J’appris, sur le chemin qui nous menait à son appartement, une partie des événements qui expliquaient le silence d’Amsterdam. Une fois chez A*, nos corps ne furent pas en phase, pas prêts à s’ébattre. Il fallait que j’apaise le sien, que j’apprivoisai alors par des massages. Et je trouvai, d'instinct, tous les nœuds, tous les points de tensions dont je réussis à libérer le corps de A*. Et puis, après avoir fouiné dans les bibliothèques de A*, j’en sortis quelques livres. Par l'entremise de je ne sais quelle baguette de sorcier, nos esprits furent de nouveau électrisés. Une charge d’onde nous fit traverser les champs d’investigation les plus divers. Et nous fûmes surpris par ce degré de complicité, par le fait que nous devancions les propos de l’autre, les rebonds de l’autre, par l'énergie que dégageaient nos échanges. Alors, dans ce qui était encore, quelques semaines auparavant, le lit du couple qui venait de se défaire, nos corps se rencontrèrent à nouveau. Ce fut cette fois-là — la troisième fois — que nous réussîmes vraiment à exorciser les démons du passé. Le sommeil fut court. Le matin fut consacré à la musique, aux échanges sur la musique. Au jazz, à l’opéra, à la variété même. En partant, j’oubliai sur son bureau le livre qu’A* venait de m'offir, le dernier qu’il avait publié.

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