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Le journal d'Herminien
5 novembre 2008

L'élection d'Obama : on peut se réjouir sans être béat...

Alors que d’aucuns viennent pourfendre un « culte des États-Unis » ou un « culte du sauveur » à propos de ceux qui, comme moi, se réjouissent de voir Barack Obama élu président des États-Unis, je tiens à expliquer les raisons de mon intérêt pour ce qui s’est passé hier outre-Atlantique. D’abord, j’aime ce pays, comme je peux aussi le détester pour bien des choses, un pays que j’ai eu l’occasion de visiter plusieurs fois. Source d’admiration comme de rejet pour certains aspects de son histoire, de son système politique et économique et de sa civilisation, les États-Unis ne peuvent me laisser indifférent. Il serait bien long d’expliquer ce qu’il y a de fascinant dans l’entreprise humaine de construction d'une nation assimilatrice de migrants d'origines diverses, une dans la pluralité – E pluribus unum –, de mise en valeur et de gestion de ce territoire national. Qu’il s’agisse de l’aventure de son appropriation et de son peuplement au nom de la liberté et la quête du mieux être, de l’extermination et de la relégation des populations indigènes, de l’esclavage et de la ségrégation, de la réussite économique et de ses effets pervers et prédateurs sur la société et l’environnement, de l’extraordinaire capacité d’adaptation et de renouvellement de ses habitants, de l’exercice de la puissance au nom d’un messianisme et d’un universalisme qui ont permis de sauver l’Europe à deux reprises lorsqu’elle s’est détruite en des guerres mondiales meurtrières, comme au nom d’intérêts qui justifient un impérialisme et une domination souvent cruels, les États-Unis ne peuvent laisser indifférent. Il y a, dans ces excès, ces dangers, ces menaces pour la société américaine comme pour l’humanité, mais aussi dans ces espoirs et ces réussites, matière à porter son regard sur ce grand pays. Je ne peux me désintéresser de ce qui se passe dans la deuxième démocratie du monde, après l’Inde, par sa population. Je ne peux me désintéresser de ce qui se passe dans un pays allié et ami, même si, justement, c’est avec les amis qu’on se doit d’être franc, voire sévère, comme la France le fut face aux mensonges et à l’aventure irakienne. Je ne peux me désintéresser de ce qui se passe dans un État qui pèse le quart de la production économique mondiale, qui est aussi la première puissance militaire, diplomatique et technologique mondiale.
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Concernant l’élection présidentielle qui vient d’avoir lieu, comment ne pas voir dans le plus fort taux de participation que les États-Unis ont connu depuis un siècle (66 %), le signe que les Américains ont eu envie de dire leur mot, de ne pas demeurer passifs quand ce sont l’avenir économique et écologique de leur pays, mais aussi l’image qu’ils veulent donner au monde qui sont en jeu. Les guerres d’Irak et d’Aghanistan et la crise des crédits hypothécaires ont révélé la faillite d’une voie, celle du libéralisme économique sans freins, de l’unilatéralisme et d’une conduite idéologique dangereuse des affaires politiques et diplomatiques. Le vote d’hier montre que les Américains en ont conscience. Doit-on s’attendre à ce que tout change ? Non, évidemment. L’Amérique d’Obama sera toujours celle qui défendra ses intérêts économiques et de puissance. Elle sera toujours celle du capitalisme libéral, plus libéral que le capitalisme européen ou japonais. Elle sera toujours celle des valeurs de liberté individuelle, du poids des religions, d’une forme de darwinisme social. On peut seulement espérer qu’un plus grand souci d’équité et de justice sociale, de protection de l'environnement et de promotion du développement durable, de dialogue et de désir de régulation collective des questions politiques et économiques internationales sera de mise. Barack Obama n'est personnellement pas favorable au mariage entre personnes de même sexe. Il ne sera pas plus tendre (et il me semble qu’il sera plus dur) à l’égard de l’Iran que ne le furent ses prédécesseurs, il n’enlèvera rien de l'indéfectible soutien américain à Israël – un soutien nécessaire, mais qui devrait s'accompagner d'une réelle volonté de favoriser une paix durable par la reconnaissance d'un État palestinien viable –, il ne se montrera pas autant généreux que ce que l’on peut attendre de la première puissance économique mondiale avec les pays les plus pauvres de la planète. Les États-Unis d’Obama seront plus sourcilleux dans les négociations commerciales, afin de protéger leur production et leur marché par des formes de néo-protectionnisme. Mais si le peu de mieux que l’on peut attendre est mis en œuvre et se réalise, je le préfèrerai au pire qu’a été la politique républicaine sous la présidence de George W. Bush. Enfin, et surtout, dans un pays où l’esclavage et la ségrégation raciale ont été si lourds, ont tant marqué la société, dont les stigmates nourissent encore les inégalités face à la pauvreté, au chômage, aux positions, aux violences, comment ne serais-je pas ému et heureux que les citoyens accordent leur confiance à un Noir, préférant les compétences supposées ou reconnues à la couleur de peau ? Comment ne pourrais-je pas être ému que celui dont les parents se sont unis au moment où des dizaines d’États interdisaient encore les unions mixtes, la mixité raciale dans les écoles, dans les transports scolaires, dans les lieux de commerce et de loisirs, etc., soit élu par une majorité assurée, espérant de lui qu’il soit le rassembleur de la nation ? Comment moi, le métropolitain français d’origine antillaise, de la même génération que Barack Obama (nous n’avons qu’un an de différence), ne serais-je pas fier de le voir accéder aux plus hautes responsabilités politiques de la plus grande puissance mondiale ? Cette leçon d’histoire que la société américaine, la démocratie américaine, donne au monde, je la retiens pour telle, sans espoir démesuré et sans illusion, certes… Mais elle donne à réfléchir sur l’image que l’on a d’un peuple, un peuple qui aspire toujours à faire rêver l'humanité que le bonheur est possible et que son pays demeure « the land of opportunity » . Et tant pis pour ceux qui, à droite comme à gauche, ne comprennent pas que des hommes et des femmes de droite et de gauche, aussi différents soient-ils, ressentent qu’il s’est passé, en ce 4 novembre 2008, quelque chose qui ne laisse pas indifférent, loin s’en faut.
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